jeudi 17 juillet 2014

En cas de difficulté sérieuse concernant la nationalité du requérant, le juge de l'asile n'est pas compétent

Le requérant était né en Corée du Nord et la Cour, par un raisonnement classiquement appliqué par cette juridiction, a considéré qu'il devait pouvoir obtenir la nationalité Sud-coréenne et a sursis à statuer dans l'attente d'une réponse de l'Ambassade.

Ce faisant, elle a commis une erreur de droit. En effet, d'après le Conseil d'Etat, en cas de difficulté sérieuse il ne ressort pas de l'office du juge de l'asile mais du juge civil de se déterminer sur une question relative à la nationalité.

Ceux qui interviennent devant la Cour nationale du droit d'asile régulièrement savent que l'obtention de la nationalité Sud-coréenne est souvent opposée aux demandeurs d'asile venant de Corée du Nord. En pratique, on observe cependant très rarement  l'obtention de cette nationalité. Les requérants rapportent avoir des difficultés pour obtenir une réponse de la part de l'Ambassade. Le sursis à statuer pouvait donc durer fort longtemps.

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Conseil d'État 

N° 344265    
ECLI:FR:CESSR:2014:344265.20140526 
Publié au recueil Lebon 
10ème / 9ème SSR
M. Romain Godet, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP LEVIS, avocat


lecture du lundi 26 mai 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Texte intégral

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre et 29 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. B...A..., demeurant ...; M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 642896, devenue n° 09001713, du 20 avril 2010 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a sursis à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 décembre 2008 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile et lui a enjoint de justifier, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, de sa diligence à saisir l'ambassade de Corée du sud en vue de la détermination de son droit à la nationalité sud-coréenne ;

2°) de mettre à la charge de l'Office de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Defrenois, Levis, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de M. A...;




1. Considérant qu'aux termes du A de l'article 1er de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Aux fins de la présente convention, le terme " réfugié " s'appliquera à toute personne : (...) / 2°) qui, (...) craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner. / Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression " du pays dont elle a la nationalité " vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité. " ; 

2. Considérant, d'une part, qu'il appartient à la Cour nationale du droit d'asile, qui statue comme juge de plein contentieux, de se prononcer elle-même sur le droit d'un demandeur d'asile à la qualité de réfugié au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue ; qu'à ce titre, d'une part, la cour peut toujours, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 733-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prescrire des mesures d'instruction afin d'être pleinement éclairée sur les circonstances nécessaires à la solution du litige qui lui est soumis, sous réserve que ces mesures ne soient pas inutiles ou frustratoires ; que, d'autre part, il lui revient le cas échéant, pour déterminer la nationalité d'un demandeur d'asile, d'interpréter les dispositions d'une loi étrangère qui déterminent les règles d'attribution ou d'acquisition de cette nationalité ; que, sous réserve de dénaturation, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler l'interprétation ainsi faite par la Cour de cette loi étrangère, qui relève de son appréciation souveraine ; 

3. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 29 du code civil : " La juridiction civile de droit commun est seule compétente pour connaître des contestations sur la nationalité française ou étrangère des personnes physiques. / Les questions de nationalité sont préjudicielles devant toute autre juridiction de l'ordre administratif ou judiciaire à l'exception des juridictions répressives comportant un jury criminel. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la Cour nationale du droit d'asile ne peut trancher elle-même la question de la nationalité d'un demandeur d'asile lorsque cette question soulève une difficulté sérieuse, qui relève alors de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire ; qu'en pareille hypothèse, il appartient à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente que la juridiction judiciaire ait tranché la question de la nationalité du demandeur ;

4. Considérant qu'il résulte des énonciations de la décision attaquée qu'après avoir relevé qu'il n'était pas exclu, eu égard aux éléments présentés par le requérant qui prétendait notamment être né en Corée du Nord, que celui-ci possédât la nationalité nord-coréenne, la Cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les dispositions de la Constitution de la République de Corée du 12 juillet 1948 et de la loi de la République de Corée du 20 décembre 1948 relative à la nationalité ouvraient à un ressortissant de Corée du Nord le droit de se voir reconnaître la nationalité sud-coréenne à raison de sa naissance dans la péninsule coréenne ou ses îles adjacentes ; qu'en décidant, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, de surseoir à statuer pour enjoindre à M. A...de saisir les autorités consulaires sud-coréennes afin que celles-ci " examinent son droit à la nationalité sud-coréenne ", alors que, s'il lui était loisible de se fonder sur l'absence de démarche de M. A...auprès des autorités sud-coréennes pour rejeter sa demande d'asile dans le cas où sa qualité de ressortissant de Corée du Nord aurait été établie, il résultait des constatations de la Cour que la nationalité nord-coréenne dont se prévalait le requérant soulevait une difficulté sérieuse et que cette question, qu'elle n'était pas compétente pour trancher elle-même, devait l'être avant de déterminer s'il pouvait se voir reconnaître la nationalité sud-coréenne par les autorités de cet Etat, la Cour a méconnu son office et entaché sa décision d'une erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 20 avril 2010 ;

5. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Levis, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 3 000 euros à verser à cette SCP ;



D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 20 avril 2010 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Levis, une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

dimanche 6 juillet 2014

Plus de 300 migrants évacués d'un camp à Calais

In Le Monde, 02.07.2014

Plus de 300 migrants évacués d'un camp à Calais

La police a évacué, mercredi 2 juillet, le principal camp de migrants de Calais, installé dans un centre de distribution de repas dans la zone portuaire, ainsi que trois squats. Au total, 320 personnes, dont une soixantaine de mineurs, ont été expulsés, selon la préfecture. « Ils vont être auditionnés dans un cadre administratif pour étudier leur situation qui sera examinée au cas par cas », a expliqué le préfet du Pas-de-Calais, Denis Robin.

Peu après 6 h 30, plusieurs centaines de personnes, installées depuis fin mai, ont été encerclés par les CRS et les gendarmes. Une quinzaine de cars ont ensuite pénétré dans l'enceinte pour emmener les migrants, alors que les journalistes étaient tenus à distance.

Selon plusieurs témoignages, policiers et gendarmes sont entrés dans cet espace recouvert de macadam, où les migrants campaient dans des tentes, par un hangar au centre de l'enceinte entourée de murs et de grilles. Tous les accès avaient auparavant été bloqués par des cars de CRS. Des policiers à bord de Zodiac étaient aussi présents pour sécuriser les accès à la mer.

GAZ LACRYMOGÈNE ET INTERPELLATIONS
 
Sur Twitter, un journaliste de RTL mentionne l'usage de gaz lacrymogènes par les forces de l'ordre.

Ce que confirme le témoignage d'une bénévole, recueilli par l'AFP :
« J'étais à l'intérieur, les flics sont arrivés, ils ont bloqué toutes les sorties, ont utilisé des gaz lacrymogènes pour empêcher les gens de s'enfuir. Les gens dormaient, ils n'ont pas eu le temps de sortir. »
La police a par ailleurs procédé à trois interpellations : deux militants du collectif No Border et le responsable associatif Jean-Claude Lenoir, de l'association Salam qui distribue des repas quotidiennement aux migrants.

« SITUATION SANITAIRE CRITIQUE »

Cette opération avait été autorisée fin juin par le tribunal administratif de Lille saisi en référé par la mairie de Calais. Le juge avait notamment motivé sa décision par le caractère prolongé de l'occupation des lieux, l'insuffisance d'infrastructures sanitaires et l'entassement de détritus, conférant un caractère d'urgence à la situation.
L'avocat des migrants, Me Clément, avait saisi en urgence la Cour européenne des droits de l'homme, dans la nuit de lundi à mardi, laquelle a répondu mardi que « le juge (…) a décidé d'inviter le gouvernement français à répondre à la question suivante : quelles sont les mesures prises pour assurer le relogement des requérants en cas d'expulsion (…) ? » Question, que, selon La Voix du Nord, l'avocat a transmis au gouvernement, mardi soir.

Ce camp s'était formé après l'évacuation par la police de trois autres camps abritant quelque 650 personnes, le 28 mai. Le 18 juin, le préfet du Pas-de-Calais avait appelé les migrants candidats au départ pour la Grande-Bretagne à accepter un hébergement en France annonçant notamment que leur demandes d'asile serait « traitées en urgence ».

Au cours des cinq premiers mois de l'année, quelque 3 000 clandestins ont été interceptés à Calais, contre trois cents pour la même période en 2013.

mercredi 16 avril 2014

Face à la dégradation de ses conditions d'intervention, la Cimade se retire d'une partie des CRA

LA CIMADE

Communiqué de presse - 16.04.14
Face à la dégradation continue de ses conditions d'intervention, La Cimade se retire d'une partie des centres de rétention administrative
Le marché public régissant la mission « d’information et d'assistance juridique » auprès des personnes étrangères enfermées dans les centres de rétention administrative vient d'être renouvelé pour la période 2014-16.

La Cimade a été, en 1984, la première association, et pendant longtemps la seule, à intervenir dans ces centres. L'enjeu capital, à l'origine de la mission qui lui avait été confiée, était d'assurer une présence citoyenne garante du respect des droits des personnes étrangères placées dans des centres de rétention administrative. Pendant toutes ces années, La Cimade a défendu cette approche en structurant sa mission autour de deux activités principales : aider à l'exercice effectif des droits, observer et témoigner publiquement du traitement réservé aux personnes enfermées.

Depuis que cette mission est gérée dans le cadre d'un « marché public », c'est une logique économique de moindre coût et de prestation de service qui s'est imposée, entrainant pour La Cimade, et au détriment des personnes enfermées, une dégradation continue des conditions d'intervention, de sa liberté d'action et d'organisation de cette mission qu'elle avait contribué à forger. Aujourd'hui, au regard des restrictions financières et règlementaires toujours plus importantes imposées par le ministère de l'Intérieur, c'est la nature même de cette mission, qui est peu à peu remise en question. 

Malgré les efforts entrepris pour obtenir des conditions d'exercice de sa mission moins détériorées que celles proposées initialement pour le marché 2014-2016, La Cimade n'est pas parvenue à faire prévaloir l'ensemble de ses propositions.
Elle a fait le choix de se retirer des centres du Languedoc Roussillon (Nîmes, Perpignan et Sète), plutôt que de rogner encore davantage les conditions d'intervention de ses salariés  et de participer ainsi à l'aggravation du traitement réservé aux personnes enfermées dans ces centres. A compter d'avril 2014, elle n'intervient plus que dans neuf centres situés en Outre-mer (Guyane, Guadeloupe, La Réunion), Bretagne (Rennes), Sud-Ouest (Hendaye, Bordeaux, Toulouse) et Ile-de-France (Mesnil-Amelot).  

Consciente de la difficulté à assurer cette mission dans des conditions dégradées, La Cimade va poursuivre néanmoins son engagement auprès des personnes étrangères et son rôle de vigilance active, dans un contexte où l'Etat recourt massivement à l'enfermement en centres de rétention administrative des personnes soumises à un éloignement forcé, y compris pour les plus vulnérables (étrangers malades, pères de famille…).

Témoin de l'humiliation et des souffrances vécues par des milliers de personnes étrangères enfermées au seul motif de l'irrégularité de leur séjour, La Cimade continue de revendiquer la suppression de tous les lieux de privation de liberté spécifiques aux personnes étrangères ainsi qu'une réforme législative profonde pour une autre politique d'immigration.


www.lacimade.org

mardi 25 mars 2014

CE 12 mars 2014 - Asile accordé dans un pays tiers sur un fondement autre que la Convention de Genève - Pas de reconnaissance du statut en France - les craintes doivent être examinées au regard du pays d'origine

Lorsqu'une personne s'est vue reconnaître l'asile dans un pays tiers (en l'espèce, le Zimbabwe) non pas sur le fondement de la Convention de Genève mais sur le fondement d'une autre convention, ses craintes doivent être examinées en France au regard du pays de nationalité, et non du pays de résidence, au regard de la seule Convention de Genève:

"2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que MmeA..., ressortissante de la République démocratique du Congo, a fui son pays en août 2004 et s'est rendue au Zimbabwe, où la qualité de réfugié lui a été reconnue sur le fondement du 2 de l'article 1er de la convention de l'Organisation de l'Unité africaine ; que pour reconnaître à Mme A...la qualité de réfugiée sur le fondement de la convention de Genève, la Cour nationale du droit d'asile a estimé qu'en raison du fait qu'elle s'était vu reconnaître la qualité de réfugiée au Zimbabwe sur le fondement de la convention de l'Organisation de l'Unité africaine, c'est au regard des risques personnels qu'elle encourrait dans ce pays qu'elle devait examiner sa demande ; que si la Cour nationale du droit d'asile n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette qualité de réfugiée ne reposant pas sur la convention de Genève ne permettait pas de regarder l'intéressée comme bénéficiant de la qualité de réfugiée au sein de l'article L. 711-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a, en revanche, méconnu les stipulations de la convention de Genève en examinant la situation de l'intéressée non, comme l'article 1 de la convention de Genève lui en faisait obligation, au regard du pays dont elle a la nationalité, mais de celui où elle résidait ; que, par suite, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 octobre 2010 de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées pour Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;" CE 12 mars 2014, n° 345188.

Le Conseil d'Etat avait déjà précisé que les craintes doivent être considérées au regard du pays de nationalité, même si la personne s'est vue reconnaître le statut de réfugié par un pays signataire de la Convention de Genève, à moins qu'elle n'ait obtenu ce statut dans un pays de l'Union européenne auquel cas les craintes quant au défaut de protection de l'Etat d'accueil peuvent sous certaines conditions être prises en compte (CE 13 novembre 2013, n°349735).

A la lecture de cet arrêt il apparaît que la reconnaissance du statut de réfugié en vertu d'un autre texte que la Convention de Genève, ne vaut pas, en France. Il appartient donc au requérant de déposer une demande d'asile en France pour pouvoir se voir reconnaître la qualité de réfugié.





CJUE C-560/20 - Droit au regroupement familial et droit de l'UE

 Dans cet arrêt, la Cour, saisie par renvoi préjudiciel, a jugé qu'en application de la directive 2003/86/CE, applicable en matière de r...